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Disparition de Pierre Rabhi

Pierre Rabhi a disparu ce samedi 4 novembre des suites d'une hémorragie cérébrale à l'âge de 83 ans. De très nombreuses voix se font entendre pour saluer cet homme, paysan, écrivain, conférencier et philosophe ardent défenseur de l'agroécologie et du recours à la terre, prônant une sobriété heureuse.

Au-delà de la dimension de l'homme public que Pierre Rabhi est entre temps devenu, le CARI souhaite d’abord adresser ses plus sincères condoléances à la proche famille de Pierre, à Michèle son épouse et aux cinq enfants de la famille.

Les membres du CARI, son conseil d’administration, son personnel, souhaitent aussi témoigner de leur tristesse pour la perte d'un homme qui a porté haut les engagements pour la terre, pour une agriculture qui s'inscrit dans le respect de l'environnement et d'une relation apaisée entre l'Homme et la nature.

Le CARI, et notamment ses fondateurs, se fondant sur les valeurs partagées, s'est lui-même engagé à l'international au service de ces causes et qu'il poursuit désormais depuis 23 ans. Et ceci en respect d'une étroite collaboration quotidienne avec Pierre Rabhi remontant à une vingtaine d'années (1988/1998) du temps du Carrefour international d’échanges de pratiques appliquées au développement (CIEPAD) à Viols-le-Fort et constituant une partie pionnière moins connue de son œuvre. Que Pierre Rabhi repose désormais en paix.

Le CARI, son conseil d'administration, ses membres, son personnel
Viols-le-Fort le 6 décembre 2021

En effet, de 1988 à 1998, la commune de Viols-le-Fort dans l’Hérault a partagé un moment singulier de l'itinéraire de Pierre Rabhi et dont le CARI porte une forme de continuité.

Dans les années 1988, à la fin d'une des expériences pionnières en agroécologie menée au Burkina Faso à Gorom Gorom de 1985 à 1987, il s'agissait de ne pas perdre cette expertise pionnière et de créer un nouveau lieu de développement de l'agroécologie en Europe. C'est suite à une rencontre entre Pierre Rabhi et Etienne Souche, alors conseiller général du Canton de Saint-Martin-de-Londres, que fut évoquée la création d'une structure et d'une opportunité d'implantation sur le territoire départemental de Roussières Cazarils. Soutenue par Edgar Pisani, alors conseiller du président François Mitterrand, et Gérard Saumade, alors président du Conseil général de l'Hérault, ce projet fut chaudement accueilli sur la commune de Viols-le-Fort par le maire Jean-Claude Vialla. L'initiative créée sous le nom de CIEPAD – Carrefour international d'échanges et de pratiques appliquées au développement – a pu se concrétiser grâce à l'implication de Patrice Burger, déjà cofondateur du centre de Gorom Gorom (et par la suite fondateur et actuel président du CARI).

Dans un lieu acquis par l'Agence foncière du département, le CIEPAD a été progressivement aménagé comme lieu de formation et d'accueil de stagiaires internationaux, lieu de démonstration et d'expérimentations de pratiques agroécologiques, lieu d'expérimentation des premières classes de découverte à pédagogie de projet basé sur l'agroécologie ayant contribué à la création du label CED (citoyenneté, environnement, développement) crée par la Ligue de l’enseignement. Ou encore d'universités d'été accueillant des figures comme Serge Latouche, Albert Jacquard, Georgina Dufoix, Christian de Brie et bien d'autres. Durant dix années le CIEPAD a développé un ensemble d'activités à l'époque novatrices comme la première formation en Europe à l'agroécologie des zones sèches (1992), le module optimisé d'installation agricole (un hectare et un habitat auto-construit avec la famille Alain et Danielle Catherine) ou des réflexions sur les monnaies alternatives ayant débouché sur le premier SEL (système d'échanges locaux) de France en Ariège.

Le bâtiment aménagé à partir de mobilier de récupération de villages VVF de la Côte-d'Azur et la création d'une cuisine collective ont permis l'hébergement de nombreuses sessions de formation dont un public africain. Pour beaucoup d'entre eux ils sont devenus des formateurs ou certificateurs en agriculture biologique en Afrique de l'Ouest et toujours en lien avec le CARI. Un réseau d'agriculteurs bio accueillant ces publics en stage a été créé sur toute la région du sud de la France de Menton à Montauban. Plusieurs stagiaires français sont aujourd'hui installés comme producteurs dans l'Hérault et le Gard.

Engagé par le CIEPAD, le nettoyage du squat du Mas de Cazarils alors en ruines, par des chantiers internationaux de jeunes, (kabyles, bretons, allemands, etc.) a redonné une vie active au vieux four à pain, et a par la suite permis au département de l’Hérault d'investir dans l'aménagement d'un appartement et la création d'une chèvrerie aux normes. L'installation d'une famille de chevriers n'a malheureusement pas perduré pour des raisons internes au couple et à l'abandon du projet initial comme lieu mixte de production et de support pédagogique pour le grand public.

À partir de 1995 un CIEPAD « social » a vu le jour en lien avec le département de l’Hérault et permettant de développer des actions de formation envers un vaste public en réinsertion, notamment l’accompagnement de porteurs de projets d'installation en milieu rural en agriculture, transformation, restauration, etc.

Des actions de préparation à la coopération internationale ont été développées y compris pour des publics déshérités des quartiers nord de Marseille désireux d'appuyer la fabrication de machines découper le savon artisanal au Burkina Faso. Certaines de ces formations ont été adaptées et décentralisées à Paris au profit du Groupement d'intérêt public Défi Jeunes. D'autres initiatives plus festives ou culturelles ont constitué des temps forts, par exemple ce concert « Hymne pour une Terre Humaine » en 1992 à l'opéra Comédie de Montpellier et offert par le « violon du siècle » Yehudi Menuhin. Ou encore l'initiative des « Jours de la Terre » par la suite transférés au centre du village grâce à une médiation de Jacqueline Olivier et complétés des journées « Tailleurs d'images » faisant résonner les rues des coups des artistes portés à la pierre, au bois ou au fer et finalisées par une vente aux enchères publiques sur la place du village !

Pendant ses dix années d'existence le CIEPAD a véritablement rayonné comme un leader sur de multiples initiatives nationales et internationales, à l'époque innovantes et portant sur des sujets sociaux et économiques, aujourd’hui évoqués quotidiennement par les médias comme en témoignent les sujets des universités d'été de l'époque : le travail, l'argent, le rapport entre la ville et la campagne, le rapport entre le nord et le sud, la protection de la nature, la transition agricole, etc. Il s'est également engagé dans la mise en œuvre de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification et une rencontre officielle à ce sujet a pu se tenir à la salle polyvalente de Viols-le-Fort en 1996.

Véritable organe d'éducation populaire rendant un important service public, et ne disposant d'aucun financement de fonctionnement tout en employant 17 salariés, ce sont d'abord des raisons économiques, puis des raisons de gouvernance, qui ont motivé le dépôt de bilan puis la disparition de la structure. À partir de 1999, Pierre Rabhi a recentré ses activités en Ardèche près de son domicile avec l'appui d'une nouvelle association créée par lui et certains de ses proches : les Amis de Pierre Rabhi devenus par la suite Terre & Humanisme. Diverses initiatives et mouvements en sont issus dont le plus connu est le Mouvement Colibris.

D'autres membres du CIEPAD se sont investis dans la poursuite de la dimension internationale, via la création et le développement du Centre d'actions et de réalisations internationales (CARI) qui a désormais 23 ans et compte une dizaine de salariés.

Sur le thème de l'agroécologie, de la lutte contre la désertification et la dégradation des terres et sur celui de la sauvegarde des oasis, le CARI s'est surtout investi dans des actions d'appui à des partenaires dans les pays en développement aussi bien en termes d’organisation que d'actions sur le terrain. Il est devenu une référence en initiant la création de plates-formes d'acteurs de la société civile comme le groupe de travail désertification (GTD) en France, le réseau Sahel désertification (ReSaD) au Mali, Burkina Faso et Niger et le réseau associatif de développement durable des oasis (RADDO) en Algérie, Tunisie Maroc et Mauritanie, ou encore Drynet, un réseau mondial regroupant plusieurs centaines d'organisations citoyennes dédiées à la lutte contre la désertification.

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